la vie, ce grand privilège
Bien cher journal
C'est avec une grande tristesse que j'ai compris que je devais m'adapater à ma condition. Ça va me prendre du temps. Je sais bien que la vie est remplie de deuils, c'est inévitable. Elle est remplie de joie et d'amour aussi. Les deux devraient se balancer émotionnellement. J'ai l'extrême privilège d'être entourée de gens magnifiques et j'ai, à mes côtés, d'excellents médecins.
Bien cher journal
Qu'est-ce qui fait que la vie a de l'importance? Je veux dire qu'à un moment donné, la balance pèse plus d'un côté que de l'autre. J'arrive à garder le cap. Une raison pour rester en vie est d'avoir mon utilité, de la capacité à effectuer des choses que j'aime, de la joie d'être en vie et de partager mes pensées avec mon conjoint et mes amies.
Qu'est-ce qui fait que les autres veulent vivre malgré la fatalité, malgré l'épreuve? C'est un mystère pour moi.
Soit on vit, soit on meurt. C'est binaire. Il n'y a pas de gris. On peut se sentir mort quand on respire, mais on vit quand même.
Et qu'est-ce qui fait qu'un jour, on se lève et on n'arrive plus à voir le magique de la vie? C'est un aussi un grand mystère pour moi. Il y a tant de choses que j'aimerais comprendre.
Toujours est-il, bien cher journal, que je sais que la vie est un grand privilège: plusieurs personnes voudraient ma place avec mon âge et ma condition pour avoir encore le privilège d'être en vie. Ceux qui sont morts jeunes ne me comprendraient pas. Ils seraient même choquées de mes pensées.
La vie est un grand privilège. Mais à bien y penser, un privilège, ça se refuse.
Je pourrais m'adapter... encore. Relativiser... encore. Perdre avec le sourire... encore. Mais je me demande à quoi bon. Je pense aux choses et aux gens que je laisserais si j'agissais pour mettre fin à mon privilège et je sais que ça me chagrine, mais si je pense à l'émotion de laisser mon grand privilège d'être en vie, là, c'est différent: je me sens en paix avec moi-même, sereine d'en finir.
Je sais, ce n'est rien de réjouissant, mais soit je parle, soit je me tais, soit je ments. Et j'ai décidé de parler.
Et je sais que je n'aurai pas le désir de m'adapter et encore moins le gout d'avoir de l'espoir. Moi et l'espoir sommes en grande peine d'amour.
XXX Matante Bizzz