Décidément, la société n'est pas faite pour moi. Je suis un poisson hors de l'eau, je suis une comète sans galaxie, je suis une plante sans oxygène.
Depuis ma tendre enfance, je me suis toujours sentie à part des autres. Je ne sais pas quand ça a commencé mais je pense qu'il y a un lien entre cette sensation et mon goût pour aller vers les autres. J'ai ça dans le sang! Je suis une briseuse de glace. D'ailleurs, quand un nouvel arrivant s'établissait dans notre municipalité, j'allais à la rencontre de l'autre. J'imaginais sa stupeur d'entrer dans un nouveau lieu avec de nouveaux visages. Et je sais que j'ai fait du bien dans ce sens parce que beaucoup de monde sont venus me dire à quel point ils se sont sentis rassurés d'être dans ma municipalité après mon passage. C'est déjà ça!
Je n'ai pas été à la maternelle. Je n'y ai pas été pendant que mes collègues y allaient. Et j'ai aimé ce que je faisais au lieu d'aller perdre mon temps à jouer à l'école. Mais, la première journée de ma première année, je l'ai trouvé dure. Pas que j'avais peur de l'école, non, j'avais hâte d'apprendre à lire et à compter et à écrire... Je me suis rendue compte que les clans étaient faits. J'étais donc seule. Tout le monde avait sa meilleure amie, son meilleur ami, tous, sauf moi.
Je pense que ça a commencé là. Je pense que ma réclusion a débuté avec cette sensation que je ne faisais pas partie d'un groupe. Je me souviens de la première journée d'école en première année. La cloche avait sonné, tous jouaient encore tandis que moi, sage, j'étais assise, les mains sur le bureau, attendant qu'on apprenne à lire. J'ai entendu le prof dire:« Regardez, c'est ça que ça fait quelqu'un qui ne va pas à la maternelle!»
Le prof me désignait. Elle voulait me montrer en exemple de sagesse. Je ne savais toujours pas de quoi elle parlait puisque je n'avais pas été en maternelle. Les collègues ont trouvé leur journée trop dure, alors il y a eu un moment où on a pu retourner en maternelle. C'est là aussi que ça été triste pour moi: tout le monde s'est mis à jouer comme ils l'auraient fait la veille. Tous se sont mis à jouer, sauf moi, qui étais complètement au mur en train de me sentir seule. Terriblement seule!
J'aurais aimé jouer avec cette cuisinière et ce réfrigérateur en bois, avec cette vaisselle de plastic et ses poupées qui étaient si jolies mais je n'y arrivais pas. Tout simplement pas! J'étais tapis au mur. Cette sensation était horrible. Personne n'est venu me chercher, je n'existais plus! Je n'existais plus pour personne! J'ai décidé d'aller jouer. Mais j'étais seule car tout le monde avait son clan et je n'en faisais pas parti. Je me suis donc assise puisque faire semblant de jouer, ça je pouvais déjà le faire dans ma tête.
Cette sensation n'est jamais partie. J'ai passé toute ma vie à me sentir comme ça. Je pense que c'est pour cela que j'ai tellement fait de bénévolat: pour me sentir vivante, me sentir utile, me sentir en société.
Facebook est pareil. Je vois des gens en aimer d'autres. Avec leur 1000 amis et leurs discussions, ils sont comme des poissons dans l'eau. Ça s'envoit plein d'amour, plein de gentillesse...
Je me sens seule.
Si seule!