galvauder une expression
Mourir, c'est pas drôle! Mourir, c'est tragique. Surtout quand on est jeune. Je vais y revenir.
Je suis militante pour le droit de mourir volontairement avec assistance médicale. Mon groupe se nommait, comme partout dans le monde « Mourir Dignement» ou «Mourir avec Dignité». Je déteste cette expression. Elle n'est pas juste, pas correcte. Et je l'ai manifesté aussi souvent que possible parce que je juge qu'on peut mourir avec dignité sans aide médicale et mourir «indignement» avec de l'aide médicale. Voyez-vous, la dignité est bien trop relative pour être cataloguée par qui que ce soit. Si mourir dignement devait être balisé, ceux qui voudraient y avoir accès sans être dans ces dites balises, deviendraient délaissés et exclus. Le terme «dignité» dans la mort est le tendon d'Achille dans cette expression. C'est galvauder, c'est chercher à adoucir quelque chose afin de le rendre sympatique.
Pareil pour l'expression «meurtre par compassion». Un meurtre est un acte fait à l'autre sans que l'autre le veuille. Sinon, c'est un aide au suicide. Comme l'aide au suicide est illégale ici au Canada, on continue avec le terme «meurtre». J'espère connaitre un terme plus adéquat de mon vivant. Toujours est-il qu'un «meurtre par compassion» est le fait de tuer quelqu'un à son insu parce qu'on trouve qu'il fait trop pitié pour vivre. C'est le terme «compassion» qui adoucit, qui rend presque sympatique un acte irréversible. (Je dois avouer que je considère Robert Latimer, le père de Tracy, héro d'avoir mis fin aux souffrances de sa fille. J'espère qu'un jour, nous aurons la capacité de comprendre les souffrances que sa fille a dû affronter parce que ce cas-là était sous les projecteurs et qu'en aucun temps, le bien-être de Tracy n'a été compris par le système médical. Je reviens aux galvaudages d'expressions.)
Pareil pour le «don d'organe» obligatoire.
Un don est un acte volontaire, un acte que l'on fait parce qu'on considère qu'il est social, juste, équitable, charitable.
Obligatoire signifie que cet acte est fait sans avoir à dire son mot, sans se prononcer de ce que l'on veut. On appelle ça une saisie, c'est le terme adéquat dans cet expression. Sinon, on adoucit l'expression en banalisant «le don d'organe» obligatoire... On rend cette expression presque sympatique, allant de soi. Essayez de voir l'impôt comme un don qui serait un don obligatoire... Vous voyez?
Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle pour que jamais les mots «don» et «obligatoire» ne soient ensemble. Soit c'est une «saisie d'organe», soit c'est un «don volontaire». «Don» et «volontaire» étant un pléonasme essentiel afin de garder à l'esprit ce que ça doit vouloir dire.
Alors voilà le pourquoi j'en parle ce matin:
Une mère a perdu sa fille d'une vingtaine d'années qui attendait une greffe coeur-poumon. C'est triste, j'en conviens. Sa fille est morte parce qu'elle n'a pas eu de don de ces organes si précieux à sa survie.
Et c'est dans une lutte que cette mère poursuit le combat de sa fille. Et cette mère veut obliger le gouvernement à faire des lois afin que le corps devienne une propriété de l'état au décès des gens.
No way!
Si jamais une telle loi devait être votée, je signe une carte, j'oblige l'état à m'enterrer à ses frais puisque je ne suis plus ma propriété. Vous voulez mon corps pour mes organes? Vous gardez la facture de mon enterrement. Ça va ensemble! Un «package-deal»! Et si on regarde ce qu'est la mort, est-on vraiment mort quand les organes sont prélevés? Je veux dire, quand la mort est déclarée avec une mort cérébrale, le cerveau ne vit plus (ouin!) mais la circulation doit se faire encore sinon l'organe meurt et n'est plus bon.
Je militerai ainsi jusqu'à ma mort. Jamais je ne serai capable d'adoucir une expression afin de la louvoyer.
C'est triste de mourir mais c'est encore plus tragique de se faire kidnapper.