reste encore
J'aurais pu écrire mon commentaire dans la section «interdit de se rendre là» mais je le place dans la section société.
Je rends visite à une dame qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle peut encore marcher mais ne se souvient pas de moi même si elle me dit que «ça fait donc longtemps que je ne l'ai pas visitée». Elle est rendue dans un hébergement où les gens ne sortent pas seuls. Pour entrer, ça prend un code, pour sortir, ça en prend un autre. Prennant mon courage à 2 mains, j'entre. Une femme m'apostrophe en me disant qu'elle m'attendait. Je ne l'ai jamai vue. Elle me parle et semble vite émue. Grand calin... que puis-je faire d'autre? Ensuite je cherche Adélaïde* (nom fictif, bien sur!). Adélaïde n'est pas dans son lit alors je la cherche dans l'établissement. Je vois du monde sans inibitions aucunes: mains dans les couches (ou culottes), des gens qui lèvent ou enlèvent leur pantalon ou jupe... des demandes de jaser... j'ai vu de tout. Ah oui, j'ai oublié de dire: la première chose qui m'a frappé, c'est l'odeur. Comment dire! Inoubliable!
Toujours est-il que je vois Adélaïde. On «jase» de n'importe quoi. Dès que la jasette s'éparpille dans les émotions tristes, il faut trouver une manière de s'en sortir. J'avoue avoir eu beaucoup de peine au point d'avoir quelque larmes qui me sont montées aux yeux. Après quelques temps de jasette, j'ai dit que je m'en allais. Avoir dit qu'une bombe allait exploser n'aurait pas été pire: un attroupement de malades m'ont questionnés et m'ont entourés à savoir pourquoi je m'en allait. «Je vais faire le souper», dis-je.
Et Adélaïde s'est assise en me chuchotant: «Reste, reste encore un peu». Dois-je vous signifier à quel point j'avais le motton dans la gorge?
Vous savez, comme je l'ai dit au début, j'ai failli poster ce commentaire dans «interdit de se rendre là». La raison en est que je me suis demandé (et je me demande encore): est-ce que je serais capable de me rendre là et ensuite, serais-je capable de me faire subir aux autres?
Je sais bien que dans la vie les moins biens portants se font soutenir par les mieux portants et je sais bien aussi que tout n'est pas laid dans la vieillesse mais ce que je sais par-dessus tout, c'est l'aridité d'être là pour ceux qui seront difficiles à aider. C'est là mon principal questionnement de vie: doit-on rester en vie quitte à être une grosse charge aux autres ou doit-on y voir soi-même quitte à mourir dans la solitude?